Saviez-vous qu’un cheval peut consacrer jusqu’à 8 heures par jour à s’alimenter ? La digestion, ou plutôt l’assimilation des nutriments, est un processus vital pour la santé et le bien-être du cheval. Comprendre comment ce métabolisme fonctionne est essentiel pour tout propriétaire ou passionné d’équitation.

Nous verrons les différentes étapes de l’assimilation, les organes impliqués, et les facteurs qui influencent l’efficacité de l’absorption des nutriments. Nous aborderons également les problèmes courants, tels que les coliques et la fourbure, et comment les prévenir. Cette connaissance vous permettra de mieux répondre aux besoins nutritionnels de votre cheval et de maintenir sa santé digestive optimale, un élément fondamental pour ses performances et sa qualité de vie.

Préhension et digestion orale : le début du voyage

La digestion commence dès l’ingestion des aliments. Le cheval, grâce à des adaptations spécifiques de sa bouche et de ses dents, est capable de sélectionner, saisir et préparer les aliments pour les étapes ultérieures de l’assimilation. Cette première phase est cruciale car une bonne préparation des aliments facilite leur digestion dans le reste du tube digestif. Une dentition saine et une alimentation adaptée sont donc primordiales.

Préhension des aliments

Les lèvres du cheval sont très mobiles et sensibles, lui permettant de sélectionner avec précision les aliments. Les incisives, situées à l’avant de la bouche, coupent l’herbe ou le foin, tandis que la langue aide à manipuler et à diriger les aliments vers les molaires pour la mastication. La texture et la longueur du fourrage jouent un rôle important dans la préhension. Un fourrage grossier et long, comme du foin de prairie tardif, stimulera une mastication plus importante et une salivation accrue, favorisant une meilleure digestion.

Mastication

La mastication est l’étape clé de la digestion orale. Les molaires et prémolaires du cheval broient les aliments en petites particules, augmentant ainsi leur surface de contact avec les enzymes digestives. La salive, produite en grande quantité lors de la mastication, lubrifie les aliments, facilitant leur déglutition. Bien que la salive du cheval contienne de l’amylase, son rôle dans la digestion de l’amidon est limité comparé à d’autres espèces. Une dentition saine est essentielle car des problèmes dentaires peuvent entraîner une mastication inefficace, une perte de poids et des coliques. Un cheval produit environ 40 litres de salive par jour en broutant.

Déglutition

Une fois les aliments correctement mastiqués et mélangés à la salive, ils sont avalés. L’épiglotte, un cartilage situé à l’entrée du larynx, se rabat pour empêcher les aliments de pénétrer dans les voies respiratoires. L’œsophage, un tube musculaire d’environ 1,2 à 1,5 mètre de long, transporte les aliments vers l’estomac grâce à des contractions musculaires rythmiques appelées péristaltisme. Le diamètre de l’œsophage limite la taille du bol alimentaire ingéré, d’où l’importance d’une bonne mastication.

L’estomac : un transit rapide et acide

L’estomac du cheval est relativement petit par rapport à sa taille et à son régime alimentaire. Il joue un rôle de stockage temporaire et de début de digestion des protéines. Cependant, sa petite taille et son mode de fonctionnement particulier le rendent susceptible à certains problèmes, comme les ulcères gastriques. Comprendre les spécificités de l’estomac équin est essentiel pour adapter l’alimentation et prévenir ces problèmes.

Anatomie de l’estomac équin

L’estomac du cheval a une capacité d’environ 8 à 15 litres, ce qui est petit comparé à d’autres herbivores. Il est divisé en deux régions : la région squameuse (non glandulaire) et la région glandulaire, qui sécrète de l’acide chlorhydrique et du pepsinogène. Contrairement à l’estomac de l’homme, celui du cheval ne présente pas de fortes contractions musculaires, ce qui signifie que le mélange des aliments est limité. Il se vide rapidement, généralement en 2 à 6 heures, selon la quantité et la nature des aliments ingérés.

Fonctions de l’estomac

L’estomac assure le stockage temporaire des aliments, permettant une libération progressive dans l’intestin grêle. La région glandulaire sécrète de l’acide chlorhydrique, qui abaisse le pH de l’estomac à environ 2,5, créant un environnement acide nécessaire à l’activation du pepsinogène en pepsine. La pepsine est une enzyme qui commence la digestion des protéines en les décomposant en peptides plus petits. De plus, l’estomac produit du mucus pour protéger sa paroi contre l’acidité.

Spécificités de l’estomac équin

  • La production d’acide chlorhydrique est continue, même à jeun, ce qui rend le cheval susceptible aux ulcères gastriques s’il n’a pas accès à de la nourriture pendant de longues périodes.
  • Il est donc important de lui fournir des repas fréquents et de petites quantités de nourriture pour tamponner l’acidité.
  • Le contenu de l’estomac se stratifie, les aliments les plus récents recouvrant les aliments les plus anciens. Cela peut influencer la vitesse de digestion et d’absorption.

Problèmes courants liés à l’estomac

En raison de ces spécificités, l’estomac du cheval est particulièrement susceptible à certains problèmes de santé. Les ulcères gastriques sont un problème courant chez les chevaux. Ils sont causés par le stress, une alimentation inadéquate (trop de concentrés, peu de fourrage), l’utilisation de certains médicaments (anti-inflammatoires non stéroïdiens) et le jeûne prolongé. Les symptômes incluent une perte d’appétit, une perte de poids, des coliques récurrentes et un comportement anormal. La prévention passe par une alimentation adaptée, une gestion du stress et une utilisation prudente des médicaments.

La distension gastrique, ou dilatation de l’estomac, peut survenir si le cheval ingère une grande quantité d’aliments fermentescibles en peu de temps, ou s’il y a un blocage intestinal. Dans les cas graves, la distension peut entraîner une rupture de l’estomac, une urgence médicale souvent fatale. Il est donc crucial de surveiller l’appétit et le comportement du cheval et de consulter un vétérinaire en cas de symptômes inquiétants.

L’intestin grêle : absorption et digestion enzymatique

Après l’estomac, les aliments passent dans l’intestin grêle, où la digestion se poursuit grâce aux enzymes digestives et où l’absorption des nutriments commence. Cet organe joue un rôle crucial dans l’apport de nutriments essentiels au cheval. Une bonne santé de l’intestin grêle est donc primordiale pour son bien-être général.

Anatomie de l’intestin grêle

L’intestin grêle du cheval mesure environ 20 à 25 mètres de long et est divisé en trois parties : le duodénum, le jéjunum et l’iléon. Le duodénum reçoit les sécrétions du pancréas et du foie, qui contiennent les enzymes digestives et la bile. Le jéjunum est la partie la plus longue de l’intestin grêle et est le principal site d’absorption des nutriments. L’iléon se connecte au gros intestin et régule le passage des aliments digérés.

Digestion enzymatique

Le pancréas sécrète des enzymes digestives, comme l’amylase (qui décompose l’amidon en sucres simples), la lipase (qui décompose les graisses en acides gras) et les protéases (qui décomposent les protéines en acides aminés). Le foie produit de la bile, qui émulsionne les graisses, facilitant leur digestion et leur absorption. Contrairement à de nombreux autres animaux, le cheval n’a pas de vésicule biliaire et la bile est sécrétée en continu dans le duodénum. L’efficacité de la digestion enzymatique dépend de la qualité et de la quantité des enzymes sécrétées, ainsi que de la vitesse de transit des aliments dans l’intestin grêle.

Absorption des nutriments

Les sucres simples, les acides aminés, les acides gras et les vitamines sont absorbés à travers la paroi de l’intestin grêle et passent dans la circulation sanguine. Les villosités et microvillosités, de petites projections présentes sur la paroi intestinale, augmentent considérablement la surface d’absorption. Les nutriments absorbés sont transportés vers le foie via la veine porte hépatique, où ils sont métabolisés et distribués dans tout l’organisme.

Facteurs influençant la digestion dans l’intestin grêle

Plusieurs facteurs peuvent influencer la digestion dans l’intestin grêle, notamment la vitesse de transit des aliments, la qualité et la quantité des enzymes digestives, et l’intégrité de la muqueuse intestinale. Une vitesse de transit trop rapide peut entraîner une mauvaise absorption des nutriments, tandis qu’une vitesse trop lente peut favoriser la prolifération bactérienne. Une inflammation de la muqueuse intestinale, causée par des parasites ou des allergies alimentaires, peut également réduire l’absorption des nutriments.

Le gros intestin : fermentation et absorption de l’eau

Le gros intestin est l’organe clé de la digestion chez le cheval. C’est là que la fermentation des fibres alimentaires a lieu, permettant au cheval d’extraire l’énergie des fourrages. La santé du gros intestin, et donc de la flore intestinale, est donc primordiale pour la santé générale du cheval. Une alimentation riche en fibres alimentaires et une bonne gestion du microbiote intestinal sont essentielles.

Anatomie du gros intestin

Le gros intestin du cheval est composé du caecum, du côlon (grand côlon et petit côlon) et du rectum. Le caecum, un grand sac d’environ 30 à 35 litres, est le principal site de fermentation. Le côlon, qui mesure environ 7 à 8 mètres de long, est divisé en grand côlon et petit côlon. Le grand côlon assure la fermentation et l’absorption des acides gras volatils (AGV), tandis que le petit côlon est responsable de la réabsorption de l’eau et de la formation des crottins. Le rectum est la dernière partie du gros intestin et stocke les matières fécales avant leur élimination.

La structure du gros intestin, en particulier du côlon, présente des haustrations (poches) et des bandes longitudinales (taeniae) qui permettent un mélange efficace du contenu. Cette architecture favorise le contact des fibres alimentaires avec les micro-organismes responsables de la fermentation, optimisant ainsi l’extraction d’énergie. L’ensemble du processus de fermentation et d’absorption dans le gros intestin prend environ 36 à 72 heures.

Fermentation microbienne

Le gros intestin abrite une population microbienne complexe, composée de milliards de bactéries, de protozoaires et de champignons, formant le microbiote intestinal. Ces micro-organismes fermentent les fibres alimentaires (cellulose, hémicellulose) en acides gras volatils (AGV), tels que l’acétate, le propionate et le butyrate. Les AGV sont absorbés à travers la paroi du gros intestin et constituent une source d’énergie importante pour le cheval.

Les modifications brutales du régime alimentaire, notamment l’introduction rapide d’une grande quantité de céréales, peuvent perturber l’équilibre du microbiote intestinal. Cette perturbation peut entraîner une prolifération de bactéries acidogènes, une baisse du pH du gros intestin, et une libération de toxines, pouvant causer des coliques ou une fourbure. Une transition alimentaire progressive est donc cruciale pour maintenir une flore intestinale saine.

Absorption de l’eau et des électrolytes

Le côlon réabsorbe une grande quantité d’eau, transformant le contenu liquide du caecum en crottins solides. Il régule également l’équilibre électrolytique en absorbant ou en sécrétant des électrolytes tels que le sodium, le potassium et le chlorure. Une déshydratation ou un déséquilibre électrolytique peut perturber la fonction du côlon et entraîner des coliques ou de la constipation.

Voici un aperçu des principaux acides gras volatils produits dans le gros intestin:

Acide Gras Volatil Contribution à l’énergie totale
Acétate 60-70%
Propionate 15-20%
Butyrate 5-10%

Problèmes courants liés au gros intestin

  • Coliques : Les coliques, caractérisées par des douleurs abdominales, sont un problème fréquent chez les chevaux. Elles peuvent être causées par divers facteurs, tels que l’obstruction intestinale, la torsion intestinale, les spasmes musculaires ou l’inflammation. Une alimentation inadéquate, le stress et les parasites internes sont des facteurs de risque.
  • Fourbure : La fourbure est une inflammation du pied, souvent liée à une perturbation du microbiote intestinal causée par une surcharge en amidon. La libération de toxines dans le sang peut endommager les tissus du pied et entraîner une boiterie sévère.
  • Diarrhée : La diarrhée, caractérisée par des selles liquides, peut être causée par des infections bactériennes ou virales, des parasites internes, des allergies alimentaires ou l’utilisation d’antibiotiques. Elle peut entraîner une déshydratation et une perte d’électrolytes.

Facteurs influencant la digestion chez le cheval

La digestion chez le cheval est un processus complexe influencé par de nombreux facteurs. L’alimentation, l’âge, le niveau d’activité, le stress et l’état de santé sont autant d’éléments qui peuvent affecter l’efficacité de l’absorption des nutriments. Comprendre ces facteurs et leur impact est essentiel pour optimiser la digestion et prévenir les problèmes digestifs.

L’alimentation

Le type et la qualité du fourrage sont primordiaux pour une bonne digestion du cheval. Un fourrage de bonne qualité, riche en fibres alimentaires et d’une longueur adéquate, stimule la mastication et la salivation, favorisant ainsi une meilleure assimilation. La quantité et le type de concentrés doivent être adaptés aux besoins du cheval et distribués en petites quantités pour éviter une surcharge en amidon. Le ratio fourrage/concentrés doit être respecté, en privilégiant toujours le fourrage comme source principale d’alimentation.

L’âge du cheval

Les besoins digestifs varient en fonction de l’âge du cheval. Les poulains ont besoin d’une alimentation riche en protéines et en calcium pour favoriser leur croissance. Les jeunes chevaux ont besoin d’un apport énergétique suffisant pour soutenir leur développement musculaire. Les chevaux âgés peuvent avoir des difficultés à mastiquer et à digérer les aliments, nécessitant une alimentation adaptée, facile à digérer et riche en nutriments.

Le niveau d’activité

Les chevaux de sport ont des besoins énergétiques et digestifs accrus. Ils ont besoin d’une alimentation riche en calories pour soutenir leur activité physique. Les rations doivent être adaptées au niveau d’intensité de l’activité et à la durée de l’entraînement. Une alimentation équilibrée, riche en glucides, en lipides et en protéines, est essentielle pour optimiser les performances du cheval de sport. Le tableau ci-dessous illustre les besoins énergétiques en fonction du niveau d’activité.

Niveau d’activité Besoins énergétiques (en % par rapport à l’entretien)
Entretien 100%
Travail léger 125%
Travail modéré 150%
Travail intense 175-200%

Le stress

Le stress peut avoir un impact négatif sur la digestion et le microbiote intestinal. Le stress peut entraîner une diminution de l’appétit, une augmentation de la production d’acide gastrique, une perturbation de la motilité intestinale et une altération de la flore microbienne. La gestion du stress, par un environnement stable et prévisible, un exercice régulier et des techniques de relaxation, est essentielle pour améliorer la digestion.

L’état de santé

Certaines maladies peuvent affecter la digestion, telles que le parasitisme, les infections et les inflammations intestinales. Les parasites internes peuvent endommager la paroi intestinale et réduire l’absorption des nutriments. Les infections bactériennes ou virales peuvent perturber le microbiote intestinal et entraîner de la diarrhée. Les médicaments, notamment les antibiotiques, peuvent également avoir un impact négatif sur le microbiote intestinal. Il est donc crucial de restaurer la flore intestinale après un traitement antibiotique avec des prébiotiques et probiotiques.

Optimisation de la digestion et prévention des problèmes digestifs

Maintenir une bonne santé digestive chez le cheval est essentiel pour son bien-être général et ses performances. En adoptant des pratiques d’alimentation et de gestion appropriées, il est possible d’optimiser la digestion et de prévenir les problèmes digestifs. Cet investissement dans la santé digestive se traduira par un cheval plus heureux, plus performant et en meilleure santé.

Prébiotiques et probiotiques : soutien du microbiote intestinal

Les prébiotiques sont des fibres alimentaires non digestibles qui servent de nourriture aux bonnes bactéries du microbiote intestinal, favorisant leur croissance et leur activité. Les probiotiques, quant à eux, sont des micro-organismes vivants qui, lorsqu’ils sont administrés en quantités adéquates, confèrent un bénéfice pour la santé de l’hôte. L’utilisation de prébiotiques et de probiotiques peut aider à restaurer l’équilibre du microbiote intestinal après une perturbation, améliorant ainsi la digestion et l’immunité. Des sources naturelles de prébiotiques incluent la pulpe de betterave et la chicorée. Les probiotiques sont disponibles sous forme de suppléments contenant différentes souches de bactéries bénéfiques.

Prévention des coliques

La prévention des coliques passe par une gestion attentive de l’alimentation et de l’environnement du cheval. Voici quelques conseils :

  • Fournir un accès constant à de l’eau propre et fraîche.
  • Éviter les changements brusques d’alimentation.
  • Distribuer les repas en petites quantités et fréquemment.
  • S’assurer que le fourrage est de bonne qualité et exempt de moisissures.
  • Mettre à disposition un bloc de sel.
  • Mettre en place un programme de vermifugation régulier.
  • Minimiser le stress.
  • Encourager l’exercice régulier.
  • Fournir une alimentation adaptée : Respecter les besoins nutritionnels du cheval en fonction de son âge, de son niveau d’activité et de son état de santé. Privilégier un fourrage de bonne qualité, distribué en petites quantités et fréquemment. Limiter la quantité de concentrés et choisir des aliments adaptés.
  • Assurer une dentition saine : Examens dentaires réguliers et soins appropriés. Prévention des problèmes dentaires. Consultez votre vétérinaire équin pour un bilan dentaire annuel.
  • Gérer le stress : Environnement stable et prévisible. Exercice régulier. Techniques de relaxation.
  • Vermifuger régulièrement : Protocole de vermifugation adapté au cheval et à son environnement. Surveillance de la charge parasitaire.
  • Surveillance régulière de l’état de santé du cheval : Signes d’alerte de problèmes digestifs (perte d’appétit, coliques, diarrhée, perte de poids). Consultation vétérinaire en cas de suspicion de problèmes digestifs.

Bien-être digestif, clés d’une vie équine saine

La physiologie de la digestion chez le cheval est un processus complexe et fascinant, essentiel pour sa santé et son bien-être. Comprendre les spécificités de son système digestif, de la préhension des aliments à l’absorption des nutriments, permet d’adapter l’alimentation et la gestion pour optimiser la digestion et prévenir les problèmes digestifs. Une attention particulière à la qualité et à la quantité des fourrages, à la gestion du stress et à la santé dentaire sont autant de facteurs clés pour assurer une digestion optimale.

En adoptant des pratiques alimentaires et de gestion appropriées, les propriétaires de chevaux peuvent contribuer à améliorer la santé digestive de leurs animaux, assurant ainsi leur bien-être, leurs performances et leur longévité. La recherche continue dans ce domaine promet de nouvelles avancées et des stratégies d’alimentation toujours plus adaptées aux besoins spécifiques du cheval. Prenez soin de la digestion de votre cheval, il vous le rendra !